Pages

mercredi 4 novembre 2020

La moutarde me monte aux seins

Je ne sais pas trop comment vous vivez votre corps en ce moment , avec cet envahissement médical , symptomatologique, ces chiffres et ces inconnues , cet avenir un peu beaucoup flou mais moi qui suis déjà à la base un peu trop connectée à mon corps , je le ressens différemment . Pas de enième cancer virtuel en vue mais des symptômes réguliers de toux, de fièvre, de nez bouché , de yeux brillants. Je ne crois pas que c'était une bonne idée de devenir soignante pour cette raison, j'ai tendance à pousser l'empathie à l'extrème et à ressentir les mêmes symptômes que mes patients. Je ne me suis jamais sentie aussi bien  depuis que j'ai quitté le monde hospitalier. Malheureusement , en 2020 j'ai l'impression de retourner au boulot, de vivre en permanence dans un hôpital avec son odeur de couloir si pregnante, son stress ambiant et son humanité à fleur de peau. 

C'est souvent très cool d'être connectée à son corps. La moindre ballade est une explosion de sens . 
Dans le sexe, la moindre caresse tactile , olfactive, auditive est un vrai bijou ... si elle est offerte avec une intention bienveillante. Donc oui c'est plutôt cool. 

Hier soir, je repensais au cataplasme de moutarde que ma mère me faisait lorsque j'étais petite . Elle me l'appliquait sur ma poitrine pour calmer une bronchite. et ça me chauffait beaucoup. Je ne devenais que cette partie du corps . Toute mon attention était là . 
Et aujourd'hui j'aime bien quand on me demande de n'être qu'une partie de corps. Le temps d'un exercice. Je le ressens très fort et découvre un endroit qui m'appartient dont je ne connais pas encore chaque recoin. J'essaie de refaire mes exercices toute seule. Parce que je suis une élève appliquée et que j'aime bien m'entrainer pour mieux saisir ce qu'on me demandera ensuite. ça me fait du bien de faire un arrêt sur image et de regarder ce qui se passe en moi. Si je n'avais pas été accompagnée dans ce genre d'exercice, je ne suis pas sûre que je l'aurais fais seule. 
Avant je pouvais me concentrer des jours durant sur une sensation de mon corps en imaginant que cette partie était malade, que j'avais sans doute un cancer . Maintenant je me concentre sur une partie et je la fais vivre sous ma pensée, je la met en détente ,en tension puis la relache, je lui donne plein d'amour et parfois je jouis . 
Petite, avec mon cataplasme sur la poitrine, je visualisais mes poumons en train de se prendre un bain de chaleur. Mon orange pressée me mettait plein de couleur orangée dans mon oesophage et ça brillait de mille feux. Les pages de mes BD préférées me carressaient le bout de mes doigts . L'odeur de mon oreiller et ma grosse couette m'emmaillottaient . Le thermomètre rectal était enserré dans mes chairs. 
J'aimais bien être malade car ma maman s'occupait de moi comme jamais. J'étais la seule attention pour une fois et je n'étais plus noyée au milieu de la famille nombreuse. Je me laissais et me laisse aller à un moment de régression fou quand je suis malade. 

A quel moment ce moment d'enfance bascule vers un fantasme sexuel ? 


Et en tant qu'infirmière , j'accompagne souvent le moment de régression des autres donc zut j'ai le droit aussi :p . 





11 commentaires:

  1. Quels exercices fais-tu…

    ;D

    (bein quoi, c'est le plus intéressant !)

    On parle toujours des personnes qui ont une recherche de sensations fortes et pas de celles qui ont une recherche de sensations douces ou alors, plus largement, des recherches sensorielles.
    Il y a un appauvrissement sensoriel lorsqu'on devient adulte. 
    Une personne peut devenir un vecteur, l'intermédiaire par lequel on retrouve ou on trouve une capacité sensorielle différente ou plus accrue et la réceptivité de l'enfance finalement, peut-être ? J'imagine que c'est propre à chacun, je ne me sens pas moins réceptive que plus jeune.

    L'exercice, intrinsèquement, bon... je ne vais pas dire qu'on s'en fout mais c'est le processus qui fait que, je crois.

    La mienne, elle me faisait chauffer du lait gloria avec du beurre salé. Aucune propriété médicinal mais elle disait toujours qu’après, j'irai mieux.
    Et j'allais mieux, surtout parce que c'était trop bon.
    Mon lit devenait un petit parc de jeu et elle mettait des tas de coussins partout. J’avais l’impression d’avoir la chambre la plus cool au monde. Cela dit, j'avais vraiment la chambre la plus cool au monde. Elle a toujours eu un don particulier pour rendre les choses et les espaces jolis et douillets.

    RépondreSupprimer
  2. non mais attend c'est la grosse arnaque , parce que moi j'avais un truc qui me brulait la poitrine ( je ne vous ai pas parlé du produit qu'elle badigeonnait sur nos amygdales - si vous voulez la référence je peux - et j'ai même eu les ventouses sur mon dos) et toi tu avais un truc tout doux et chaud à boire . je l'ai toujours su, ma mère était une sadique ! et moi une masochiste ^^.

    En fait , ma capacité sensorielle ne s'est pas apauvrie ni amplifiée , elle s'est modifiée et déplacée d'objet. et ça c'est plutôt mieux pour moi. au lieu d'imaginer des maladies, je me dis que telle ou telle partie a envie ENCORE de me parler. mon corps est bavard, mais vraiment très très bavard. trop bavard parfois. Ma tête j'arrive à la contrôler et à la débrancher, lui non.

    Des exercices? ben je suis allongée sur le dos et je relève mon tronc pour faire marcher une chaine musculaire qu'on appelle les abdominaux :p
    ( Ben quoi , c'est pas la réponse? ^^)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ah ouais, grave truandée, je te le confirme.
      Garde-les tes ventouses et ta vieille crème à la moutarde. ^^

      Quand je parle d'appauvrissement sensoriel, c'est sur les sensations agréables et la multitude également. On se sent moins dans ce rapport de stimulation permanente, on prête moins d'attention aux plaisirs simples.
      On est potentiellement moins curieux aussi... remarque, je dis ça, mais je ne me sens pas du tout moins curieuse qu'enfant non plus.
      Je pense que les expériences d'épanouissement sensoriel nous marquent de toute façon. Ce n'est pas que la douleur ou l'inquiétude nous imprègne plus facilement ou plus durablement adulte mais on a appris à en avoir peur, j'imagine. Notre corps à une mémoire. 

      En tout cas, c'est un très bon transfert que celui-ci !
      Et puis attends, érotiquement, quand on est bien, on est aussi plus léger. C'est un vrai anti-stress chez moi.

      Bien sûr, la contraction... d'abdominaux, un classique ! ;D

      Supprimer
    2. Tu sais , faudrait se faire des salles sensorielles chez soi.
      J'ai connu ça dans mon boulot, c'est ultra tripant !!!
      Attend je recherche le nom

      Supprimer
    3. Des salles sensorielles ? j'aime beaucoup l'idée ! :-)

      Supprimer
    4. et elles ont des possibilités infinies !

      Supprimer
  3. https://youtu.be/yD17syN6yDM
    C'est utilisé principalement dans le handicap et la geriatrie mais je milite pour un accès à tous :p

    RépondreSupprimer
  4. Oui, je connais. :-)
    Je compte bien m'en faire une à ma façon...


    Lors d'une biennale d'art contemporain, il y avait une installation de Gonzalez-Foerster, "Cosmodrome". C'est le genre d'œuvre où l'œuvre est une expérience. Sur le sol, c’était comme une plage de sable, du sable noir, et la pièce était plongée totalement dans le noir. Il y avait une musique planante et des apparitions lumineuses. Je suis allée dans ce lieu quotidiennement pendant trois mois. Il y a une vidéo sur YouTube, mais elle ne rend rien.
    Cette installation, THE révélation pour moi. J’y ai passé des heures à rêver, à me détendre, à réfléchir sur des projets, je me sentais hyper concentrée avec une pensée beaucoup fluide. J’ai même dormi dedans (la fille pas du tout obsessionnelle quand elle aime un truc). J'avais l'impression de retrouver quelque chose de familier.
    Lors d'une interview, cette artiste a dit un truc qui me parle beaucoup, sur les lieux qu'on fréquente et dans lesquels on grandit et qui sont des théâtres de la mémoire. On s'identifie à un espace, on le mémorise, il y a une mémoire musculaire, il y a une mémoire émotionnelle. Elle est persuadée que l'architecture dans laquelle on grandit à un impact sur la structure psychique et, quelque part, à sa manière, ma mère était, est toujours, une créatrice d'atmosphère. À quel point, ce n'est pas dans la structure de ce que je suis... à quel point, quand quelqu'un crée une atmosphère pour moi, a ce côté cérébral, je ne me rattache pas au théâtre de ma propre mémoire, de ce que je connais et qui m'est apaisant. A quel point l'attention que je ressens n'est pas aussi et surtout là, parce que j'y suis extrêmement sensible. Un homme ne peut pas faire quelque chose ou avoir de geste sans que je le remarque. Je ne dis pas toujours quelque chose pour autant mais je le remarque, je n'y suis pas indifférente.

    RépondreSupprimer
  5. Comment je vis mon corps en ce moment ?
    Ben..perso..étrangement bien.
    Mon vécu medical, vécu dans les tripes, m'a rendue vachement plus forte mentalement.Il aura fallu 5 ans pour "digérer", "accepter" (j'aime pas ce mot ) . Mon corps se connait drôlement mieux qu'avant donc no stress si je me mouche ou si la température monte de 2 degrés.
    Mon rythme de vie a dû changer il y a quelques années, des précautions prises.. du coup, l'adaptation à cette période a été très simple pour moi. Je ne réfléchis plus trop et suis plus mes intuitions, ça se fait tout seul et c'est reposant :)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tant mieux alors. Faut dire que vous vous connaissez bien toi et lui maintenant. C'est marrant cette relation avec le corps et comment ca évolue dans une vie

      Supprimer